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D’après le Pew Reaserch Center de Washington, la Pologne compte le taux de personnes se déclarant catholiques le plus élevé au monde (plus de 92 %). Les Polonais, en plus d’être croyants, sont très pratiquants. 40 % d’entre eux vont à la messe chaque dimanche. Pourtant, la voisine de la Pologne, la République tchèque, d’après la même étude, est un des pays les plus athées du globe, et les autres pays voisins de la Pologne sont davantage protestants et orthodoxes que catholiques. Alors qu’est-ce qui explique l’exception polonaise ?

Nous sommes un dimanche. La messe de 10 heures commence. Les bancs de l’église sont déjà complets. Ceux qui arrivent en dernier devront rester debout, le long des murs. Ce sont des personnes âgées, des familles, des jeunes qui assistent à la messe toutes les semaines. Pour faire face à un tel afflux de fidèles, chaque église de Pologne propose au moins 5 offices par dimanche.

C’est d’abord l’histoire qui explique ce phénomène. La Pologne, en tant qu’État, a disparu sous l’occupation russe, autrichienne et prussienne à la fin du XVIIIe siècle, pour ne retrouver son indépendance qu’à la fin de la Première Guerre mondiale. À l’époque des nationalismes, au XIXe siècle, c’est la religion catholique qui a pu souder le peuple polonais, leur foi étant différente de celle des Russes, orthodoxes, et des Prussiens luthériens. Le catholicisme, de ce fait, devint une composante de l’identité nationale des Polonais, au même titre que la langue, malgré la disparition de leur pays.

Lorsque la Pologne devint un satellite de l’URSS en 1945, le parti communiste et athée au pouvoir s’acharne contre la pratique de la religion. Être catholique et le revendiquer devient une résistance contre le système communiste oppresseur et un acte d’héroïsme aux yeux de la population majoritairement hostile au régime. L’Église était une institution qui se dressait contre celle de l’État. « Si la Pologne est si catholique, c’est parce que sous le système communiste, l’église représentait le seul lieu de véritable liberté » explique Karol, jeune catholique de 25 ans.

C’est pourquoi le pape Jean Paul II, polonais, est aujourd’hui idolâtré dans son pays, et perçu comme un véritable libérateur du peuple polonais. Il avait en effet pris position pour le syndicat libre de Solidarność et donc contre le système communiste. « C’est Jean Paul II qui a redonné l’espoir au peuple. Il a préparé le terrain de la liberté » juge Alicja, catholique pratiquante de 77 ans. Dans chaque église, on peut voir son portrait, mais aussi dans les salons et dans les chambres à coucher. Sous sa photo, il est souvent écrit ce mot « Dzięnkuję », qui signifie « Merci ».

Mais depuis la chute du régime communiste en 1989 et l’amélioration de la situation économique, l’Église catholique, si elle reste très puissante, semble perdre de l’influence. « La population est de moins en moins pratiquante à cause du décalage entre le discours du clergé et ses actes » explique Wienczyslaw, 52 ans. Ce père de famille a proposé au curé de sa ville d’organiser un repas pour les enfants défavorisés. Celui-ci a simplement refusé en expliquant que cela n’était pas son travail. Karol renchérit : « Les prêtres n’arrêtent pas de prêcher pour la générosité, la vie simple, et ils roulent dans les plus belles voitures de la paroisse. »

L’église polonaise aurait donc peut-être un peu trop tendance à se reposer sur des acquis historiques, quand la population renoue avec la modernité et lui demande de changer.

Camille Elaraki,
Pour L’Observateur Chrétien.