Le ministère The Gospel Coalition (TGC) a récemment publié sur son site un article passionnant sur le christianisme en Chine. Colin Clark, pasteur dans ce pays et auteur du papier, présente un état des lieux objectif de ce à quoi ressemble la vie des chrétiens en Chine.
Colin Clark explique qu’il est difficile de donner une description précise du christianisme en Chine et que les différents témoignages entendus à gauche et à droite sont souvent paradoxaux.
« Une description fidèle et honnête du christianisme chinois sera nuancée et quelque peu paradoxale, non définitive et unilatérale […] A certains endroits et à certains moments, la Chine est une chose, alors qu’à d’autres endroits et à d’autres époques, c’est le contraire », explique-t-il.
Nous transmettons ci-dessous quelques-unes de ses remarques à ce sujet.
1- Comprendre la légalité du christianisme en Chine
Le christianisme en Chine n’est pas illégal en Chine. La position officielle du Parti communiste est athée mais cela n’est pas imposé à tous les citoyens chinois ou expatriés. Le christianisme protestant est l’une des cinq religions approuvées aux côtés du bouddhisme, du taoïsme, de l’islam et du catholicisme modifié (« modifié » puisque l’Église catholique chinoise est forcée d’opérer indépendamment de Rome).
Cependant, la légalité du christianisme n’est qu’une des nombreuses choses que nous devons comprendre.
2- Comprendre le Mouvement patriotique des trois autonomies
Le christianisme existe en Chine depuis longtemps mais n’a pas toujours été visible. Les missions chrétiennes commencèrent avec Mattéo Ricci en 1582 mais le christianisme fut interdit et désigné comme une « secte dangereuse » en 1724. Des traités en 1860 ont autorisé les missions mais tous les missionnaires ont été expulsés par le Parti communiste en 1953 et tous les groupes religieux furent interdits par le président Mao en 1966. En 1979, les religions approuvées ont été autorisées, régies par le Mouvement patriotique des trois autonomies (MPTA) et le Conseil chrétien chinois (CCC), deux entités gouvernementales.
La Chine a « peur » des regroupements comme les réseaux, les coalitions, les synodes, les dénominations… Le pays n’aime pas les grands groupes organisés qui peuvent facilement agiter les masses. Il y a donc un mouvement général pour régner sur tous les mouvements nationaux : le MPTA, régi par le Parti communiste chinois.
Le MPTA est un mouvement patriotique. Il n’est donc guère accidentel que le mouvement régissant les affaires chrétiennes n’utilise pas de jargon religieux dans son titre. Les allégeances reposent d’abord et avant tout sur la République populaire.
Les « trois autonomies » du mouvement sont ceux-ci : autogestion, autofinancement et autopropagande (cela concerne donc uniquement des activités autochtones, non étrangères). Il n’y a pas de mouvements, pas de dénominations dans le pays. Chaque église doit exister sous la direction du conseil municipal et provincial mais sans influence extérieure et sans former de réseaux, de dénominations ou autres groupes du genre.
3- Comprendre l’existence des églises de maison
Oui, le christianisme en Chine est légal et oui les églises peuvent se rencontrer publiquement sous la bannière du MPTA mais cela a des conséquences. Le mouvement se réserve en effet le droit de censurer et de contrôler ses églises dans la mesure où il le juge nécessaire et approprié.
Certes, les choses ont par le passé été bien pires qu’elles ne le sont aujourd’hui. Auparavant, certains livres bibliques ne devaient pas être abordés (en particulier les livres prophétiques des derniers temps comme Daniel et l’Apocalypse), l’évangélisation n’était pas permise, l’Évangile ne pouvait pas être enseigné avec profondeur…
En conséquence, de nombreux chrétiens ont décidé de se réunir en dehors de la structure officielle (du MPTA). Ce sont les églises souterraines ou les églises maison. Les membres se rencontrent dans les boutiques, des bars et restaurants en dehors des heures de fréquentation, dans des hôtels, ou encore dans des maisons et appartements loués. Toutes ces églises sont considérées comme illégales par le gouvernement chinois et font donc l’objet de persécutions si elles sont localisées et ne se conforment pas à la loi en vigueur. Certains fonctionnaires locaux ferment parfois les yeux sur ces groupes mais ils sont toujours sous pression.
Le gouvernement a progressivement assoupli les restrictions. Aujourd’hui, il n’est pas vraiment rare d’assister à un culte dans une église officielle et d’y entendre l’Évangile prêché avec ferveur ou d’y ouïr une exhortation invitant à témoigner de sa foi.
Le gouvernement chinois propose même désormais aux églises de maison de s’enregistrer et de garder une certaine autonomie ; cela lui permet de savoir qui et où vous êtes.
4- Comprendre la continuité du mouvement des églises de maison
Malgré l’ouverture, de nombreuses églises de maison ne souhaitent pas s’enregistrer car elles pensent – certainement à juste titre – que Jésus-Christ doit toujours être la tête de l’église et non le MPTA ou le CCC.
En outre, nombreux sont ceux qui ne font pas confiance au gouvernement. Cette méfiance est historiquement enracinée suite aux innombrables tentatives du gouvernement à encadrer les chrétiens par le passé. La proposition d’enregistrer les églises souterraines a ainsi été accueillie avec scepticisme. En effet, le gouvernement chinois est connu pour avoir déjà changé d’avis sur des affaires sensibles comme celle-ci.
Enfin, il y a des restrictions indésirables pour les églises enregistrées. Certains ont appris à les tolérer, mais beaucoup de leaders d’église de maison ne peuvent s’y faire. Notamment, les horaires et les lieux de rencontre (que ce soit pour un culte, une formation ou un évènement quelconque) doivent être désignés et enregistrés afin que tout puisse être surveillé. Certains pasteurs sont également tenus de soumettre leurs sermons à un fonctionnaire du gouvernement à l’avance pour examen et approbation.
5- Comprendre les Églises internationales
Si le MPTA et le CCC régissent les affaires religieuses chinoises, qu’en est-il de tous les étrangers en Chine ? Peuvent-ils aller à une église chinoise ? Le gouvernement gouverne-t-il également les églises internationales, et si oui, à quoi cela ressemble-t-il ?
Certains étrangers qui maitrisent le mandarin participent aux églises chinoises, qu’elles soient officielles ou souterraines. D’autres se rassemblent dans des salons et écoutent des sermons audio dans leur propre langue.
D’autres encore se rassemblent dans des Églises internationales visibles et reconnues. Cette dernière catégorie existe dans les grandes villes avec des populations internationales importantes. Ces Églises internationales sont généralement invitées à vérifier les passeports à la porte d’entrée pour s’assurer que la congrégation est bien internationale et non locale. De nombreuses d’entre elles se rencontrent dans le bâtiment d’une église chinoise officielle après le service en chinois. D’autres bénéficient de salles de conférences dans lesquelles elles se réunissent chaque matin comme c’est le cas de BICF à Pékin dont les cultes sont traduits en plusieurs langues dont en français. Ces congrégations utilisent rarement le mot « Église » dans leur nom, optant plutôt pour le mot « Fellowship » (« fraternité » en français).
Les demandes des étrangers pour se déplacer dans un espace plus grand, changer de lieu, ajouter un deuxième service ou accueillir un évènement extérieur sont souvent mal reçues. C’est pour cela qu’il existe également des églises de maison uniquement constituées de membres étrangers en Chine.